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    Retire-toi Satan !


 La doctrine de l'exorcisme
sa confusion dans l'Eglise

Introduction 

Le 26 janvier 1999, le Cardinal Medina Estevez, préfet de la Congrégation pour le culte divin, a présenté à la presse le nouveau Rituel des exorcismes. Ce texte a été publié seulement en latin et les épiscopats nationaux devront se charger de sa traduction. Des journaux et des revues ont fait écho à ce Rituel et en ont indiqué les points les plus importants, sur lesquels il importe de faire quelques commentaires théologiques. Il y a notamment un communiqué de l’Agence France-Presse, auquel nous ferons surtout référence.

Justification de la présente intervention

La présente intervention est basée sur l’esprit d’ouverture accordée au théologien par l’Instruction publiée par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 24 mai 1990, sur la vocation du théologien. En effet, au sujet de « l’enseignement du Magistère de foi non réformable », l’Instruction admet qu’ « il peut arriver que le théologien se pose des questions portant, selon les cas, sur l’opportunité, sur la forme et même sur le contenu de l’intervention du Magistère ». (n. 24) Et un peu plus loin, l’Instruction parle d’une application particulière « dans le cas du théologien qui aurait de sérieuses difficultés à accueillir, pour des raisons qui paraissent fondées, un enseignement magistériel non irréformable » (n. 28)..

Le problème de l’exorcisme  

Les Eglises orthodoxes et certaines confessions protestantes ont conservé bien vivante la pratique des exorcismes. Mais dans l’Eglise catholique, la mentalité qui prévaut est résumée dans le Droit canonique en ces termes : « Personne ne peut légitimement prononcer des exorcismes sur les possédés, à moins d’avoir obtenu de l’Ordinaire du lieu une permission particulière et expresse. » (can. 1172 §1). C’était reprendre, en substance, ce que l’ancien code avait lui-même stipulé (can1151). 

Dans l’interprétation du canon 1172, la confusion est presque généralisée. Cependant, le Catéchisme de l’Eglise catholique semble y avoir apporté une timide clarification, lorsqu’il indique que « l’exorcisme solennel, appelé « grand exorcisme », ne peut être pratiqué que par un prêter et avec la permission de l’évêque » (n 1673). Avant de parler de l’exorcisme solennel, il parle d’un format « simple » de l’exorcisme, qui « est pratiqué lors de la célébration du baptême. 

En considérant que le Catéchisme parlait d’exorcisme « solennel », on aurait pu penser qu’il voulait se référer à la terminologie utilisée par les théologiens, qui distinguent entre exorcisme solennel et exorcisme privé. Mais le texte du Catéchisme demeure très ambigu et il est nécessaire d’y apporter quelques commentaires. Pour ce faire, il faut bien distinguer les différentes espèces d’exorcismes.   

Définition et espèces de l’exorcisme 

L’exorcisme est l’invocation faite au nom de Dieu afin d’éloigner le démon d’une personne, d’un animal, d’un lieu ou d’une chose. L’exorcisme peut être privé ou public, et ce dernier peut être simple ou solennel. 

1-     L’exorcisme est privé lorsqu’il est pratiqué par un prêtre ou par un simple fidèle, selon le pouvoir et le droit d’exercer ce pouvoir, sans aucune autorisation, conformément à la collation de ce pouvoir par le Christ lui-même : « Et voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : par mon nom, ils chasseront les démons » (Marc 1617).

2-     L’exorcisme est public, lorsqu’il est pratiqué au nom de l’Eglise, par une personne habilitée, conformément aux rites déterminés. A) L’exorcisme public est simple, lorsqu’il dépend d’autres rites, comme le catéchuménat ou le baptême. B) L’exorcisme public est solennel, lorsqu’il est pratiqué au nom de l’Eglise, et pour cette raison, il est pratiqué par un prêtre et avec autorisation de l’évêque. En conséquence, le canon 1172, §1, avec ses restrictions, doit s’appliquer seulement à l’exorcisme solennel ; c’est ce qui sera prouvé, sans équivoque, dans les arguments qui vont suivre.

Ce dernier canon est l’objet de très graves confusion dans l’Eglise, même en hauts lieux ( !), si bien qu’on interdit tous les exorcismes qui ne sont pas solennels ! Ainsi, on interdit à presque tous les fidèles de lutter contre le démon, par un moyen spécifique que le Christ a octroyé non seulement aux apôtres, mais aussi à tous les croyants et ce moyen spécifique, c’est l’exorcisme !

Cette interprétation du canon 1172, §1 se retrouve notamment dans la lettre que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi adressait à tous les évêques du monde entier, le 29 septembre 1985, ainsi que dans la présentation du nouveau rite de l’exorcisme, que faisait le Préfet de la Congrégation pour le Culte divin, le 26 janvier dernier.
 

Pouvoir d’exorcisme conféré aux apôtres et à tous les croyants 

Le pouvoir de chasser les démons a été conféré par le Christ d’abord aux Apôtres, comme nous l’indique l’Evangile :  « Ayant appelé ses douze disciples, il leur donna autorité sur les esprits impurs, avec pouvoir de les expulser » (Matthieu 10 1)

Mais ce que l’on ignore presque toujours et que, souvent, on s’obstine à vouloir ignorer, c’est que ce même pouvoir a été octroyé à tous les croyants par Jésus lui-même : « Et voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : par mon nom, ils chasseront les démons » (Marc 16 17). Le problème fondamental des exorcismes réside certainement dans le fait que, dans l’Eglise à tous les paliers, on admet rarement que le Christ ait réellement octroyé à tous les croyants le pouvoir de chasser les démons, comme nous l’indiquent très clairement les paroles du Christ qui viennent d’être citées !

Le ministère de l’exorcisme confié par Jésus à tous les croyants est moins un charisme qu’un signe de la foi. Il ne dépend pas de titres ecclésiastiques ou d’aptitudes particulières, ni de quelque chose qui soit extérieur à nous, mais de ce que nous sommes par la grâce de Dieu. C’est pourquoi des personnes d’humble condition peuvent voir ce signe résulter de leur foi, alors que d’autres plus douées pourraient s’interroger devant l’insuccès de leurs tentatives de chasser les démons. 

Par sa passion, le Christ a terrassé tous ses ennemis, et il a donné à l’Eglise de participer à ce pouvoir dominateur. L’Eglise a conscience de la puissance et de la haine de l’adversaire infernal. Elle connaît aussi sa propre puissance sur le démon : « Les portes de l’enfer ne tiendront pas contre elle » disait Notre-Seigneur (Matthieu 16 18). Ne disait-il pas encore aux 72 disciples : « Aussi bien vous ai-je donné le pouvoir de fouler aux pieds serpents, scorpions, et toute puissance de l’Ennemi, et rien de pourra vous nuire » (Luc 10 19). 

Mais chaque chrétien est membre du Christ et il participe à ce pouvoir ; en tant que baptisé et confirmé, il a part au Sacerdoce royal du Christ. A ce titre et selon la mesure de son union au Christ par la foi et la charité, il n’échappe pas seulement aux emprises du Mauvais, au moins partiellement, mais il est aussi habilité à le combattre, à faire reculer son empire ; il est médiateur de sa défaite.
 

Les exorcismes et l’Eglise primitive 

Quand on lit les Pères de l’Eglise, on constate, avec l’évidence la plus absolue, que ces Pères n’ont pas falsifié, encore moins contredit directement, le pouvoir réel de chasser les démons, que le Christ a conféré à tous les croyants ! En effet, dans l’Eglise primitive, l’exorcisme chrétien acquit rapidement un important prestige, car il délivrait même les païens qui en faisaient la demande. Tout chrétien était vraiment habilité à exercer cette fonction. Ce rite était vraiment transparent au temps du Christ et librement exercé. Ce fut alors un ministère spécifique, un des signes les plus marquants du Royaume !

Le pouvoir de chasser les démons était courant et public dans les premiers siècles, alors que tous les chrétiens, clercs et laïcs, réussissaient à chasser les démons. Nombreux sont les témoignages contemporains à ce sujet, et ils nous indiquent que ce fait servait même aux apologistes comme argument de la divinité de Jésus et du christianisme.

Ainsi, Tertullien attire souvent l’attention des païens sur ce fait, et il leur lance même un défi : « Qu’on amène ici, en présence de vos tribunaux, quelqu’un qui soit certainement tourmenté par le démon. Sur l’ordre qui lui en sera donné par un chrétien quelconque, cet esprit se proclamera démon en toute vérité, comme ailleurs il se déclare faussement Dieu » (PL 1,410). 

Dans le même sens, Saint Justin écrivait ce qui suit : « Vous pouvez comprendre ce que je vous dis, par les faits mêmes qui se produisent devant vos yeux. En effet, un grand nombre d’hommes, saisis par le démon, dans le monde entier et ici dans votre ville même, que d’autres adjurateurs et enchanteurs n’ont pu guérir, beaucoup des nôtres, je veux dire les chrétiens, les ont adjurés par le nom de Jésus-Christ, crucifié sous Ponce Pilate, et les ont guéris et les guérissent encore maintenant, désarmant et chassant les démons qui les possèdent » (P.G. – 6 , 453B). On pourrait ajouter les témoignages de Lactance (PL 4, 334), de Saint Hilaire (P.L. 10, 401B), de Firmicus Maternus (P.L. 12, 1013-1014), de saint Théophile d’Antioche (P.G. 6, 1016B). 

Les Pères de l’Eglise ont une grande confiance dans l’argument qu’ils tirent du pouvoir qu’ont les fidèles de délivrer les possédés par le seul nom de Jésus-Christ. D’autre part, de nombreux païens se sont convertis à la vue de ces prodiges. Sur ce point, on peut se reporter à Saint Cyprien (PL 6, 555), à Saint Athanase (P.G. 25, 181), à Munucius Felix (P.L. 3, 323-327), à Saint Jérôme (P.L. 23, 348C), à Saint Ambroise (P.L. 16, 1024A). 

Terminons-en rappelant ce texte très probant d’Origène, qui parle de « ces démons que la plupart des chrétiens expulsent des énergumènes, et cela sans le secours de vaines pratiques magiques ou d’incantations, par des prières seulement et par de simples adjurations, dont l’homme le moins cultivé est capable. De fait, ce sont des ignorants, le plus souvent, qui font cela » (P.G. 11, 1425-1426).
 

L’enseignement commun des théologiens 

Les remèdes contre les influences diaboliques sont la prière, la pénitence, les sacrements, les sacramentaux et les exorcismes. L’Eglise a même institué l’ordre des exorcistes, qui était régulièrement conféré aux aspirants à la prêtrise. Ici, il faut distinguer l’exorcisme solennel et l’exorcisme privé. 

L’exorcisme solennel doit se faire, généralement du moins, dans une église ou une chapelle : les prêtres seuls peuvent l’entreprendre avec une permission particulière de l’Evêque du lieu. Par ailleurs, lorsqu’il s’agit de l’exorcisme privé, il est toujours permis, même aux laïcs. Ces derniers peuvent utiliser alors les prières du Rituel romain ou des formules abrégées, mais ils doivent parler en leur nom propre, non pas au nom de l’Eglise. 

Cette distinction est commune chez les théologiens, mais elle est relativement peu connue. Ainsi, en se basant sur les moralistes Balleini et Lehmkuhl, le père Aug. Poulain, S.J., a écrit ce qui suit : « Les exorcismes peuvent être solennels ou privs. Les premiers sont ceux qu’on fait publiquement, dans l’église, en habit de chœur. Les prêtres seuls peuvent l’entreprendre ; il leur faut généralement la permission de l’Evêque. L’exorcisme privé est toujours permis, même aux laïcs, mais ceux-ci doivent parler en leur propre nom et pas au nom de l’Eglise. La forme n’est pas fixée. (Des grâces d’oraison, Paris, Beauchesne, 1931, p 450). 

Dans son manuel de théologie morale, Dominique Prummer a écrit : « Non seulement les clercs, qui ont le pouvoir des ordres, mais aussi les laïcs peuvent pratiquer l’exorcisme d’une façon privée et secrète » (Manuale theologiae moralis, Barcelona, Herder, 1945, p 384). 

Un autre moraliste réputé, H. Noldin, a écrit : « L’exorcisme privé (…) peut être exécuté par tous les fidèles. (…) L’efficacité de cet exorcisme ne dérive pas de l’autorité ou des prières de l’Eglise, ni n’est réalisé au nom de l’Eglise, mais par la puissance du nom de Dieu et de Jésus-Christ. » (Summa theologiae moralis, Innsbruck, t 3, q53, p 42).  

Sur le même sujet, on peut se reporter aux auteurs suivants : Saint Alphonse de Liguori, Praxis confessarii, parag. 113 – A. Tanquerey, Précis de théologie ascétique et mystique, Paris, Desclée et Cie, 1928, p. 965 – R. Garrigou-Lagrange, O.P. Les trois âges de la vie intérieure, Paris, Ed. du Cerf, 1938, t 2, p 811 – B.H. Merkelbach, O.P., Summa theologiae moralis, Desclée de Brouwer, 1939, p. 706. H. Noldin recommande aux prêtres de recouvrir fréquemment à l’exorcisme privé (op. cit. p 43). 

D’après les paroles mêmes de Jésus conférant à tous les croyants le pouvoir de chasser les démons (Marc 16 17), selon les enseignements communs des Pères de l’Eglise et des théologiens, il ressort très clairement que les laïcs peuvent faire des exorcismes privés, sans doute avec la prudence et la discrétion qui s’imposent. Ce pouvoir octroyé à tous les croyants conserve toute sa valeur de légitimité et toutes les interdictions ne peuvent être qu’abusives et invalides. C’est un pouvoir fondé sur la foi et la prière. Il convient de remarquer que, parmi les pouvoirs concédés à tous les croyants, l’exorcisme est mentionné en premier lieu. Cette fonction établie par le Christ est imprescriptible et elle jouit de la pérennité !

 

C’est une hérésie de nier le pouvoir d’exorcisme pour les simples fidèles

Les directives officielles des autorités ecclésiales ne tiennent aucun compte des enseignements des Pères de l’Eglise et des théologiens, et encore moins du pouvoir donné explicitement à tous les croyants par le Christ lui-même. Malheureusement, au nom de la théologie la plus authentique, il faut qualifier une telle attitude comme étant hérétique ! 

En effet, c’est une hérésie de contredire des paroles formelles du Christ ! Malheureusement, la grande majorité des membres du clergé, à tous les paliers, ignorent qu’il y a deux espèces de dogmes : les vérités de la foi catholique, qui ont été définies par le Magistère, et les vérités de foi divine,  qui sont clairement et explicitement exprimées dans l’Ecriture Sainte. Or, les paroles de l’Evangile, par lesquelles le Christ octroie à tous les croyants le pouvoir de chasser les démons, constituent une vérité de foi divine, et, en conséquence, c’est une hérésie de contredire ces paroles du Christ ! 

Comme il s’agit d’un pouvoir que le Christ lui-même a accordé à tous les croyants, absolument personne ne peut le contredire, même pas le Magistère actuel de l’Eglise. En effet, la Constitution de Vatican II sur la Révélation divine rappelle que la « charge d’interpréter authentiquement la parole de Dieu écrite ou transmise a été confiée au seul Magistère vivant de l’Eglise, dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus-Christ ». Cependant la même Constitution ajoute ce qui suit : « Ce magistère n’est pas au-dessus de la parole de Dieu ; il la sert, n’enseignant que ce qui a été transmis, puisque, en vertu de l’ordre divin et de l’assistance du Saint-Esprit, il l’écoute pieusement, la garde religieusement, l’explique fidèlement » (n 10).
 

Théologie et droit canonique 

Il convient de remarquer que, dans trois volumes importants publiés dans les dernières années, par des auteurs très connus, sur le démon et les exorcismes, absolument aucune mention n’est faite de l’enseignement des théologiens ! On voit aussi que les dicastères romains n’en tiennent aucun compte dans leurs directives, établies le plus souvent par des canonistes qui sont – faut-il l’admettre – de piètres théologiens. En effet, les canonistes tombent parfois dans l’erreur, à cause de l’ignorance de certains principes théologiques, ignorance due à une attention trop exclusive à leur spécialité.

Il est nécessaire aussi de rappeler que la théologie est une science subalterne par rapport au Droit canonique qui lui est dépendant, en ce sens qu’il est constitué par l’exposé légal de certains principes théologiques : il doit donc s’élaborer d’après les principes mêmes de la théologie. Dans le Droit canonique, tout ce qui pourrait être contraire aux principes de la théologie comme telle doit être considéré comme étant erroné !

C’est le cas de l’interprétation fausse que l’on fait du can. 1172, §1, qui s’applique seulement à l’exorcisme solennel, précisément parce que ce genre d’exorcisme est pratique au nom de l’Eglise. Il faut affirmer que toute extrapolation d’interdiction de ce canon à l’exorcisme privé est abusive et invalide et, - faut-il le dire -, ce caractère hérétique ! 

Sans doute, tous ceux qui, jusqu’ici, sont tombés dans cette erreur ne deviennent pas immédiatement et automatiquement hérétiques, à la condition qu’ils acceptent d’examiner sérieusement et honnêtement le problème en vue de quitter leur erreur. En effet, l’hérésie suppose l’obstination à nier une vérité dogmatique, qu’il s’agisse évidemment d’une vérité de foi divine, comme l’est la collation à tous les croyants du pouvoir de chasser les démons ou d’une vérité de foi catholique, comme l’est tout dogme défini par le Magistère de l’Eglise, et le Droit canonique stipule que l’hérétique encourt une excommunication « latae sententiae » (can. 1364, §1). 

L’abolition presque totale des exorcismes dans l’Eglise est tout à fait contraire à l’Evangile ; une telle interdiction sert directement la cause des démons ! Comme preuve de ce désastre moral, on peut citer la lettre que le Cardinal Ratzinger envoyait à tous les Evêques du monde entier, le 29 septembre 1985, par laquelle il interdisait tous les exorcismes, sauf ceux qui sont pratiqués par des prêtres autorisés par les évêques, alors que ce genre d’exorcismes est presque inexistant dans l’Eglise entière ! 

Il interdisait – et malheureusement il ne fut pas le seul à agir ainsi, l’usage de la prière d’exorcisme rédigée par le pape Léon XIII : une telle interdiction ne fut certainement pas inspirée par l’Esprit-Saint ! N’est-il pas loisible de penser que les autorités religieuses sont un peu comme les mauvais anges : lorsqu’elles se trompent, leur erreur devient irréversible : « Flens dico » !… (Phil. 3 18). Malheureusement, pour les autorités religieuses prévaut souvent l’adage suivant : « Les supérieurs ont toujours raison d’avoir tord, tandis que les inférieurs ont toujours tord d’avoir raison ». Dans l’Eglise de Dieu, il devrait suffire de se protéger contre les loups, mais parfois ne faut-il pas se protéger aussi contre les bergers ?… 

Pour vaincre le démon, l’exorcisme est l’arme spécifique et souvent victorieuse. Les exorcismes ne sont pas réservés à des spécialistes seulement ; sans doute, une certaine préparation est requise, mais la tradition biblique n’a jamais mis en évidence une technique des exorcismes. En effet, lorsque Jésus a transmis aux Apôtres et à tous les « croyants » le pouvoir de chasser les démons, il n’a pas ajouté de conseils invitant à la prudence, à l’analyse des situations diverses, à l’usage des techniques, au recours aux psychologues ! Son mandat fut direct et concret : « Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : par mon nom, ils chasseront les démons » (Marc 16 17).   

Jésus favorisait les exorcismes

Les autorités de l’Eglise interdisent presque totalement la pratique des exorcismes. Il ne faudrait pas oublier ici l’avertissement que Jésus adressait à ses disciples, qui n’acceptaient pas le ministère d’un homme chassant les démons au nom du Christ, sans faire partie de l’équipe des douze. En effet, Jésus leur dit : « Ne l’empêchez pas : qui n’est pas contre vous est pour vous » (Luc 9 50). 

Celui qui chassait les démons au nom de Jésus le faisait avec succès, ce qui prouve la puissance du nom de Jésus sur les démons. Les disciples voulaient interdire à cet homme d’user du nom de leur Maître. La raison de cette intervention était que l’exorciste ne faisait pas partie de leur groupe : cela paraissait être un emploi abusif du nom de Jésus et capable de diminuer l’autorité des véritables disciples aux yeux de la foute. 

Jésus fut moins intransigeant que ses disciples. Il ne voulut pas qu’on empêchât cet homme de continuer ses exorcismes. Il eût été dommage que cette leçon ne fût pas parvenue jusqu’à nous ! En effet, dans l’Eglise actuelle, on fait des défenses absolument abusives et injustes. Si actuellement Jésus revenait en personne dans l’Eglise, il dirait certainement au Magistère : « N’empêchez pas vos fidèles de chasser les démons : c’est Moi qui leur en ai donné le pouvoir ; ne contredisez pas mon enseignement ! ». Il importe grandement que l’Eglise retrouve le plein emploi des moyens que le Christ lui a donnés pour mener le combat spirituel contre le démon.   

Il y a faute mortelle à s’opposer aux exorcismes

Sans doute, il ne faut pas voir le démon partout ni pratiquer les exorcismes ou les prières de libération à la légère ! Néanmoins, la théologie, qui a un rôle éminent à jouer dans l’Eglise, considère comme une faute, pour ceux qui ont charge d’âme, de ne pas secourir une personne soumise à l’action du démon.

A ce sujet, Mgr Auguste Saudreau, qui est un auteur de grande valeur en spiritualité, a écrit : « Les théologiens, qui ont traité ces questions « ex professo », déclarent qu’il y a faute mortelle pour celui qui a charge d’âmes à ne pas exorciser ceux qui sont possédés. Il est évident qu’il y aurait faute mortelle à s’opposer aux exorcismes et à empêcher qu’on porte secours à de pauvres êtres qui ont à subir une épreuve spirituelle et corporelle aussi terrible. » (L’état mystique et les faits extraordinaires dans la vie spirituelle, ch 22, Ed. Brunet – Arras). Les autorités religieuses ont le devoir grave de tenir compte de cette affirmation théologique, qui n’est pas une simple opinion plus ou moins probable (!), mais qui exprime l’enseignement commun des théologiens qui ont étudié cette question.   

Les influences diaboliques 

Dans l’action du démon, il faut distinguer une façon ordinaire et une autre extraordinaire. La première façon consiste pour le démon à pousser les hommes au péché par les tentations ; quant à la seconde façon, elle peut se traduire par les formes suivantes :

1-     L’obsession, qui est une suite de tentations plus violentes et plus prolongées que les tentations ordinaires.

2-     La possession, où le démon agit réellement dans le corps du patient, au lieu de faire sentir son action seulement du dehors comme dans l’obsession.

3-     La vexation, par laquelle le démon peut causer des troubles dans la santé, les biens matériels, les affections humaines, le travail…

4-     Les infestations, qui peuvent atteindre différents objets, des maisons, des animaux.

5-     Les souffrances externes, coups et sévices, que l’on retrouve dans la vie des saints ou personnes ferventes

6-     L’état de dépendance du démon, dont la cause est un pacte avec lui. 

Avant que la possession ne soit discernée, le démon provoque souvent des troubles physiques et psychiques, pour lesquels les traitements et les médicaments s’avèrent le plus souvent inefficaces. Parmi les maux physiques, on constate que ce sont souvent la tête et l’estomac qui en sont le plus affecté. 

Parmi les influences diaboliques secondaires, on peut mentionner plusieurs anomalies psychiques, comme l’imperméabilité à l’égard des valeurs divines, l’aversion du sacré, le doute religieux, l’incapacité d’éprouver une vraie contrition du péché, l’impossibilité de se concentrer pour la prière et pour la lecture de l’Ecriture Sainte, l’angoisse, l’irritabilité, l’agressivité, le blasphème, l’alcoolisme, l’immoralité, la kleptomanie, le tabagisme, la toxicomanie… Devant cette diversité des influences diaboliques, que peut bien faire le psychologue ? 

Dans notre monde permissif, plusieurs deviennent sous l’influence du démon, sans trop s’en apercevoir, en faisant des expériences du côté de la magie, de la sorcellerie, de l’occultisme, du spiritisme, des religions orientales, en ignorant les dangers qu’ils encourent. Par ailleurs, certains peuvent nuire à autrui par l’intervention du démon au moyen de la magie noire, des malédictions, du mauvais œil et des sorts.   

La certitude de la possession

Le communiqué de l’Agence France Presse, dont il a été fait mention précédemment, indique que, selon le nouveau Rituel « l’exorciste ne doit jamais procéder à un exorcisme sans avoir la « certitude morale » de se trouver réellement face au démon ». Voilà une exigence qui est théologiquement plus que discutable ! 

Il faut rappeler d’abord que les signes caractéristiques d’une possession diabolique en se manifestent pas constamment : au contraire, ils apparaissent presque toujours pendant ou vers la fin d’un exorcisme. Sauf dans les cas les plus graves, le sujet possédé peut continuer à vaquer à son travail, à poursuivre ses études, d’une manière apparemment normale, étant en réalité le seul à connaître les efforts que cela lui demande. Lorsqu’il ne se trouve pas en présence d’une influence religieuse, le possédé n’attire habituellement pas l’attention ; au contraire, il peut être aimable et discret ! 

Le discernement est souvent difficile et conjectural et c’est l’exorcisme lui-même qui permet de diagnostiquer la possession. Les trois principaux symptômes de la possession, c’est-à-dire une force surhumaine, le parler en langues inconnues et la connaissance des choses cachées, ne se manifestent jamais avant l’exorcisme et toujours pendant celui-ci. C’est au cours de l’exorcisme que l’exorciste discerne graduellement la gravité du mal, qu’il constate s’il s’agit d’une possession, d’une obsession, d’une vexation, et si le mal est profondément enraciné. 

Il convient de remarquer que le nouveau Code de droit canonique n’exige plus la certitude de la présence du démon pour prononcer un exorcisme (can. 1172), comme le faisait l’ancien Code (can. 1151). 

D’ailleurs, pourquoi prendre tant de « précautions » pour éviter de nuire au démon, alors qu’il est la cause, plus ou moins lointaine, de tout le mal qu’il y a chez les hommes et sur la terre ? De plus, selon le témoignage de nombreux exorcistes, jamais un exorcisme, qui n’était pas nécessaire, n’a causé le moindre dommage ; par contre, ils ont parfois eu à regretter de l’avoir omis ! 

A ce sujet, on peut admirer la « sagesse » du père Francescau Palau, béatifié par le pape Jean Paul II, le 25 avril 1988. Il accueillait les malades mentaux et il les exorcisait tous : alors, ceux qui étaient malades restaient malades, tandis que les possédés étaient libérés !
 

Le recours au psychologues

La mentalité qui prévaut généralement dans l’Eglise et notamment chez les membres de la hiérarchie, c’est de consulter les psychologues pour détecter une éventuelle possession diabolique. Cependant, il faut affirmer que les psychologues, de quelques disciplines qu’ils soient, n’ont habituellement pas la capacité et les aptitudes requises pour faire un tel discernement, d’autant plus qu’il existe une variété de possessions diaboliques qui comportent des différences appréciables quant à leur gravité et à leurs symptômes. 

On ignore presque toujours qu’il y a des névroses-maladies et des névroses démoniaques. On attribuera parfois à un dédoublement de la personnalité ce qui ne sera, en fait, que l’intervention d’un esprit déchu. Il faut savoir aussi qu’une vraie possession diabolique est accompagnée presque toujours de troubles mentaux et nerveux, qui sont produits et amplifiés par le démon et dont les manifestations et symptômes sont pratiquement et médicalement identiques à ceux que produisent les névroses. Les psychologues sont habituellement incapables d’établir un discernement entre une névrose-maladie et une névrose démoniaque !

Léon Bloy n’était peut-être pas très loin de la vérité, lorsqu’il écrivait : « Si les prêtres ont perdu la foi au point de ne plus croire à leur privilège d’exorcistes et de n’en plus faire usage, c’est un malheur horrible et une prévarication atroce, par laquelle sont irrémédiablement livrées aux pires ennemis les prétendues hystériques dont regorgent nos hôpitaux. » Mais pour être plus conforme à la vérité, ne faudrait-il pas blâmer beaucoup moins les prêtres que les autorités romaines, qui interdisent presque tous les exorcismes ?

 

Nombreux sont les démonopathes 

Les exorcismes sont nécessaires pour les cas de possession véritable ; cependant, en pratique, les exorcistes sont sollicités et ils peuvent intervenir pour tous les cas d’influence diabolique. La différence entre la possession et les autres influences diaboliques n’est pas toujours très nette : néanmoins, chez les « clients » des exorcistes, il y a un point commun : ce sont des gens qui subissent des épreuves ou des souffrances inexpliquées, qu’elles soient physiques, psychiques, spirituelles ou matérielles. Comme le fait toute personne en difficulté, on cherche un peu partout des solutions à ses problèmes. 

Plusieurs membres du clergé croient que les influences diaboliques sont plutôt rares et surtout les réelles possessions. Certains exorcistes officiels se croient même sans emploi ! Néanmoins, de nombreux cas d’influence diabolique, qui se rencontrent à degrés divers de gravité, échappent souvent à l’attention de ceux-là mêmes qui devraient exercer un ministère de libération ou d’exorcisme. Les démonopathes sont très nombreux, mais très souvent ils ne peuvent trouver un exorciste qui puisse leur venir en aide ! 

Il ne faut pas oublier que la tactique habituelle du démon est de se cacher. Quelques cas spectaculaires de possession ont peu d’intérêt pour ses fins ; il lui faut des milliers de cas d’obsession. Et c’est là qu’un exorcisme privé peut libérer, parfois de façon instantanée, une âme assiégée. Or la prière d’exorcisme publiée par ordre du pape Léon XIII peut être utilisée « dans les cas où l’on peut supposer une action du démon, se manifestant soit par la méchanceté des hommes, soit par des tentations, des maladies, des intempéries, des calamités de toutes sortes », selon les indications fournies au bas de cette prière. L’interdiction de cette prière est certainement abusive et invalide, et tous ont le droit et parfois même le devoir d’en faire usage !   

Conclusio

Il faut espérer que les erreurs indiquées dans la présente intervention seront corrigées par les autorités compétences. Ainsi, tous les fidèles reprendront un droit absolument strict de lutter contre le démon par le moyen spécifique que le Christ a conféré à tous les croyants, c’est-à-dire l’exorcisme ! Voilà d’ailleurs ce qui ressort clairement pour tout esprit capable d’objectivité, de l’Evangile (Marc 16 17), de la pratique de l’Eglise primitive décrite par les Pères de l’Eglise, de l’enseignement unanime des théologiens qui ont étudié ce problème. 

Le 20 avril 1999
Publication et photocopies autorisées
Un théologien

Extrait du livre Retire-toi, Satan –  
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