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Annales du Mont Saint Michel (1928)
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« La fumée
de Satan dans la maison du Seigneur »
Stéfano Maria Paci
(30
jours - juin 2001 - Extraits)
« …
Le 15 mai , la traduction italienne du nouveau Rituel des exorcismes a été
approuvée par le CEI. Ce rituel n’attend plus pour entrer en usage que le
placet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements.
Une nouvelle arme dont se munit l’Eglise pour combattre l’ennemi ? Pour
chasser, si cela n’a pas encore été fait, cette fumée qui est entrée dans
le temple du Seigneur ? Allons donc ! Ecoutons ce que raconte le Père
Amorth. Vous découvrirez que la guerre, en cours depuis des millénaires, fait
rage plus que jamais. Que la bataille s’est déplacée et qu’elle se livre désormais
surtout à l’intérieur de la maison du Seigneur. Et cette fumée… cette fumée…
eh bien ! elle se répand dans des pièces insoupçonnées. »
Père
Amorth, la traduction italienne du nouveau Rituel pour les exorcistes est
finalement prête.
Gabriele Amorth : Oui, elle est prête. L’année dernière, le CEI
n’avait pas voulu l’approuver parce qu’il contenait des erreurs dans la
traduction du latin à l’italien. Et nous, exorcistes, qui devrions
l’utiliser, nous en avions profité pour signaler que, sur de nombreux points,
nous n’étions pas d’accord avec le nouveau Rituel. Mais le texte de base en
latin est resté le même dans cette traduction revue. Ce Rituel tant attendu
s’est transformé en farce. Une incroyable entrave qui risque de nous empêcher
d’agir contre le démon.
C’est
une lourde accusation. A quoi pensez-vous ?
Don Amorth : Je ne vous donnerai que deux exemples. Des exemples
spectaculaires. Au point 15, on parle de maléfices et de la façon de se
comporter quand on a affaire à eux. Le maléfice est le mal que l’on cause à
une personne en recourant au diable. Il peut être accompli sous plusieurs
formes comme les mauvais sorts, les malédictions, le mauvais œil, le vaudou,
le macumba. Le Rituel romain
expliquait comment il fallait l’affronter. Le nouveau Rituel déclare, au
contraire, catégoriquement, qu’il est absolument interdit de faire des
exorcismes dans ces cas-là. Absurde. Les maléfices sont de loin les causes les
plus fréquentes des possessions et des maux procurés par le démon : au
moins 90% des cas. C’est comme dire aux exorcistes de ne plus pratiquer
l’exorcisme. Le point 16, ensuite, déclare solennellement qu’il ne faut pas
faire d’exorcisme si l’on n’a pas la certitude de la présence du diable.
C’est un chef-d’œuvre d’incompétence : la certitude que le démon
est présent chez quelqu’un, on ne peut l’avoir qu’en faisant
l’exorcisme. D’ailleurs, les rédacteurs du Rituel ne se sont pas aperçus
qu’ils contredisaient, sur ces deux points, le Catéchisme de l’Eglise Catholique. Celui-ci indique en effet
qu’il faut pratiquer l’exorcisme dans les cas de possession diabolique et
dans ceux des maux causés par le démon. Et il recommande aussi de le faire sur
les personnes comme sur les choses. Et dans les choses, il n’y a jamais la présence
du démon, il y a seulement son influence.
Les déclarations contenues dans le nouveau Rituel sont très graves et très néfastes.
Elles sont le fruit de l’ignorance et de l’inexpérience.
Mais ce nouveau Rituel n’a-t-il pas été fait par des spécialistes ?
Don Amorth : Pas du tout ! Durant ces dix dernières années, deux
commissions ont travaillé sur le Rituel ; celle qui est composée de
cardinaux et qui s’est occupée de Proenotanda, c’est-à-dire des
dispositions initiales, et celle qui s’est occupée des prières. Je peux
affirmer avec certitude qu’aucun des membres de ces commissions n’a jamais
fait d’exorcisme, n’a jamais assisté à des exorcismes ni n’a jamais eu
la moindre idée de ce qu’est un exorcisme. C’est là l’erreur, le péché
originel de ce Rituel. Aucun de ceux qui y ont collaboré n’était spécialiste
d’exorcismes.
Comment
est-ce possible ?
Don Amorth : Ce n’est pas à moi qu’il faut le demander. Pendant le
Concile Vatican II, chaque commission était aidée par un groupe d’experts
qui secondaient les évêques dans leur travail. Et cette habitude s’est
maintenue après le Concile, à chaque fois qu’ont été refaites des parties
du Rituel. Mais non cette fois. Et pourtant, s’il y avait un sujet qui
demandait la participation de spécialistes, c’était bien celui-là.
Bien
sûr.
Don Amorth : Comme le concile Vatican II l’avait demandé, les différentes
parties du Rituel romain ont été revues peu à peu. Nous, exorcistes, nous
attendions que soit traité le titre 12, c’est-à-dire le Rituel
d’exorcisme. Mais, apparemment, ce Rituel n’était pas considéré comme un
sujet important, car les années passaient et rien n’arrivait. Puis, à
l’improviste, le 4 juin 1990, est sorti le Rituel ad
interim, c’est-à-dire à l’essai. Cela a été une vraie surprise pour
nous, qui n’avions pas été consultés auparavant. Et pourtant, nous avions
préparé toute une série de requêtes en vue de la révision du Rituel. Nous
demandions, entre autres, que soient retouchées les prières pour qu’y soient
introduites des invocations à la Vierge, lesquelles étaient totalement
absentes, et que le nombre des prières spécifiques d’exorcisme soit augmenté.
Mais on ne nous avait laissé aucune possibilité d’apporter notre
contribution quelle qu’elle fût. Nous ne nous sommes pas découragés :
le texte avait été fait pour nous. Et comme dans sa lettre de présentation,
le préfet de la Congrégation pour le culte divin de l’époque, le cardinal
Eduardo Martinez Somalo, demandait aux conférences épiscopales de faire
parvenir, dans les deux ans qui suivaient, «des conseils et des
suggestions données par des prêtres qui en auraient fait usage», nous
nous sommes mis au travail. J’ai réuni dix-huit exorcistes que j’avais
choisis parmi les plus experts de la planète. Nous avons examiné le texte avec
une grand attention. Nous l’avons utilisé. Nous avons immédiatement fait
l’éloge de la première partie dans laquelle étaient
résumés les fondements évangéliques de l’exorcisme. Il s’agit là
de l’aspect biblique et théologique de la question et, sur ce point, les compétences
ne faisaient pas défaut. C’est une partie nouvelle par rapport au Rituel de
1614 composé sous le pape Paul V ; du reste, à cette époque, il n’était
pas besoin de rappeler ces principes que tout le monde connaissait et acceptait.
Aujourd’hui, au contraire, c’est indispensable.
Mais lorsque nous nous sommes mis à examiner la partie pratique, qui demande
une connaissance spécifique du sujet, l’inexpérience totale des rédacteurs
est apparue en pleine lumière. Nous avons fait de nombreuses observations,
article par article, et nous les
avons fait parvenir à toutes les parties intéressées : Congrégation
pour le culte divin, Congrégation pour la doctrine de la foi, Conférences épiscopales.
Un exemplaire a été remis directement au Pape.
Comment
vos observations ont-elles été accueillies ?
Don Amorth : Accueil très mauvais, efficacité nulle. Nous nous étions
inspirés de la constitution dogmatique Lumen
gentium, dans laquelle l’Eglise est décrite comme un « Peuple de
Dieu ». Au numéro 28, on parle de la collaboration des prêtres avec les
évêques, au numéro 37, il est dit clairement, et cela s’applique même aux
laïcs, que, «selon la science, la compétence et le prestige dont ils
jouissent, ils ont la faculté, et même parfois le devoir, de faire connaître
leur avis sur des choses concernant le bien de l’Eglise». C’était
exactement notre cas. Et nous avons eu l’ingénuité de croire que les
dispositions de Vatican II étaient parvenues aux congrégations romaines. Mais
nous nous sommes trouvés devant un mur de refus et de mépris.
Le secrétaire de la Congrégation pour le culte divin a fait une relation à la
commission cardinalice dans laquelle il a dit que ses interlocuteurs, c’étaient
les évêques et non les prêtres et les exorcistes. Et il a ajouté
textuellement, à propos de notre humble tentative de les aider en leur donnant
notre avis de spécialistes : « On a dû prendre acte du fait qu’un
groupe d’exorcistes et de « démonologues », ceux qui par la suite
se sont constitués en Association internationale, orchestrait une campagne
contre le rite. » Une accusation indécente : nous n’avons jamais
orchestré aucune campagne ! Le rituel nous était adressé, et dans les
commissions aucune personne compétente n’a été convoquée ; il était
plus que normal que nous cherchions à apporter notre contribution.
Cela veut donc dire que, pour vous, le nouveau Rituel est inutilisable
dans la lutte contre le démon ?
Don Amorth : Oui. Ils voulaient nous donner une arme émoussée. Les prières
efficaces, des prières qui avaient douze siècles d'existence, ont été
supprimées et ont été remplacées par de nouvelles prières, inefficaces.
Mais, par chance, on nous a jeté au dernier moment un canot de sauvetage.
Lequel ?
Don Amorth : le nouveau préfet de la Congrégation pour le culte divin, le
cardinal Jorge Medina, a joint au Rituel une Notification dans laquelle
il est précisé que les exorcistes ne sont pas obligés d'utiliser ce Rituel et
que, s'ils le veulent, ils peuvent demander à leur évêque l'autorisation
d'utiliser l'ancien. Les évêques doivent à leur tour demander l'autorisation
à la Congrégation qui, comme l'écrit le cardinal, "la concède
volontiers".
"La concède volontiers" ? C'est une concession bien étrange...
Don Amorth : Voulez-vous savoir d'où elle vient ? Elle vient de la
tentative qu'ont faite le cardinal Ratzinger, préfet pour la Congrégation pour
la doctrine de la foi, et le cardinal Medina d'introduire dans le Rituel un
article - c'était alors l'article 38 - qui autorisait les exorcistes à
utiliser le Rituel précédent. C'était, sans aucun doute, une manoeuvre in
extremis pour nous faire éviter les graves erreurs qui se trouvent dans le
Rituel définitif. Mais la tentative des deux cardinaux a échoué. Alors le
cardinal Medina, qui avait compris ce qui se jouait là, a décidé de nous
donner en tout cas ce canot de sauvetage et il a ajouté une note à part.
Comment êtes-vous vus, vous exorcistes, à l'intérieur de l'Eglise ?
Don Amorth : Nous sommes très mal traités. Nos confrères prêtres qui
sont chargés de cette tâche délicate passent pour des fous, des exaltés. Ils
sont même en général à peine tolérés par les évêques qui les ont
nommés.
La manifestation la plus éclatante de cette hostilité ?
Don Amorth : Nous avons organisé un congrès international d'exorcistes, près
de Rome. Nous avons demandé à être reçus par le Pape. Pour ne pas peser sur
lui et ajouter une audience à toutes celles qu'il accorde déjà, nous avons
simplement demandé à être reçus en audience publique, celle du mercredi sur
la place Saint-Pierre. Nous ne demandions même pas qu'il nous adresse un salut
personnel. Nous avons fait régulièrement la demande d'audience, comme se le
rappellera parfaitement Mgr Paolo de Nicolo, de la préfecture de la Maison
pontificale, lequel a accueilli très chaleureusement notre requête. Mais la
veille de l'audience, Mgr de Nicolo nous a dit - à vrai dire, il était très embarrassé
et l'on voyait très bien que la décision ne dépendait pas de lui - de ne pas
nous présenter à l'audience, que nous n'étions pas admis. Incroyable ! 150
exorcistes venant des 5 continents, des prêtres parfaitement nommés par leurs
évêques conformément aux règles du droit canon qui exigent des prêtres de
prière, de science et de bonne réputation - et donc un peu la crème du
clergé - qui demandent à participer à une audience publique du Pape et qui
sont mis à la porte ! Mgr de Nicolo m'a dit "Je vous promets que je vous enverrai immédiatement une lettre avec les justifications." Cinq ans
ont passé et, cette lettre, je l'attends toujours.
Ce n'est certainement pas Jean-Paul II qui nous a exclus. Mais le fait qu'il
soit interdit à 150 prêtres de participer à une audience publique du Pape sur
la place Saint Pierre montre quels obstacles trouvent les exorcistes à
l'intérieur même de leur Eglise et à quel point ils sont mal vus par un grand
nombre d'autorités ecclésiastiques.
Vous vous battez contre le démon tous les jours. Quel est le plus grand
succès de Satan ?
Don Amorth : Réussir à faire croire qu'il n'existe pas. Et il y a presque
réussi. Même à l'intérieur de l'Eglise.
Nous avons un clergé et un épiscopat qui ne croient plus au diable, aux
exorcismes, aux maux extraordinaires que le diable peut provoquer ni non plus au
pouvoir que Jésus a donné de chasser les démons.
Depuis trois siècles, l'Eglise latine - au contraire de l'Eglise orthodoxe et
de différentes confessions protestantes - a presque entièrement
abandonné le ministère de l'exorcisme. Comme le clergé ne pratique plus les
exorcismes, comme il ne les étudie plus et ne les a jamais vus, il n'y croit
plus. Et il ne croit plus non plus au diable. Nous avons des épiscopats entiers
qui sont hostiles aux exorcismes. Il y a des pays dans lesquels il n'y a pas un
seul exorciste, comme, par exemple, l'Allemagne, la Suisse, l'Espagne, le
Portugal. Une carence terrifiante.
Vous n'avez pas parlé de la France. La situation est-elle différente ?
Don Amorth : Il existe un livre écrit par Isidore Froc, le plus célèbre
exorciste français, qui a pour titre : Les exorcistes. qui sont-ils et que
font-ils ? Cet ouvrage traduit en italien, a été écrit à la demande de
la Conférence épiscopale française. Il n'est dit nulle part dans ce livre que
les exorcistes font, dans certains cas, des exorcismes. Et l'auteur a déclaré
plusieurs fois à la télévision française qu'il n'avait jamais fait
d'exorcismes et qu'il n'en ferait jamais. Sur une centaine d'exorcistes
français, il n'y en a que cinq qui croient au diable et font des exorcismes,
tous les autres envoient ceux qui s'adressent à eux au psychiatre.
Avant que ne paraisse ce nouveau manuel, l'épiscopat allemand a envoyé une
lettre au cardinal Ratzinger dans laquelle il déclarait qu'il n'était pas
besoin de faire un nouveau Rituel parce qu'on ne devait plus faire d'exorcismes.
Est-ce à l'évêque de nommer les exorcistes ?
Don Amorth : Oui. Quand un prêtre est nommé évêque, il se trouve face à
un article du Code de droit canonique qui lui donne l'autorité absolue pour
nommer des exorcistes. Le minimum que l'on puisse demander à un évêque, c'est
qu'il ait assisté à un exorcisme au moins, vu qu'il a à prendre une décision
aussi importante. Malheureusement, cela ne se passe presque jamais ainsi. Mais
si un évêque se trouve devant une demande sérieuse d'exorcisme -
c'est-à-dire qui ne soit pas faite par un fou - et qu'il ne fait rien, il commet
un péché mortel. Et il est responsable des souffrances terribles qu'endure
cette personne. Des souffrances qui durent parfois des années ou une vie
entière, et qu'il aurait pu empêcher.
Vous êtes en train de dire que la majeure partie des évêques de l'Eglise
catholique est en état de péché mortel ?
D.A. : Quand j'étais enfant, mon vieux curé m'enseignait qu'il y a huit
sacrements : le huitième est l'ignorance. Et le huitième sauve plus de gens
que tous les autres ensemble. Pour commettre un péché mortel, il faut une
matière grave, mais aussi la pleine conscience et le consentement délibéré.
Omettre de donner son aide est, pour les évêques, une matière grave. Mais ces
évêques sont ignorants : il n'y a donc pas de consentement délibéré et
pleine conscience.
Mais si l'on ne croit pas à l'existence de Satan, la foi demeure-t-elle
intacte, s'agit-il toujours de la foi catholique ?
D.A. : Non. Je vais vous raconter une histoire. Quand j'ai rencontré pour
la première fois don Pellegrino Ernetti, un célèbre exorciste qui a exercé
pendant quarante ans à Venise, je lui ai dit : "Si je pouvais parler au
Pape, je lui dirais que je rencontre trop d'évêques qui ne croient pas au
diable." L'après-midi suivant, le Père Ernetti est revenu me voir pour me
dire que le matin même, il avait été reçu par Jean-Paul II. "Sainteté,
lui avait-il dit, il y a un exorciste, ici, à Rome, le Père Amorth qui, s'il
venait chez vous, vous dirait qu'il connaît trop d'évêques qui ne croient pas
au diable." Le Pape lui a répondu, brièvement : "Celui qui ne croit
pas au diable ne croit pas dans l'Evangile." Voilà la réponse qu'il lui a
donnée et que je répète.
Expliquez-moi bien : la conséquence est qu’il y a beaucoup d’évêques et de prêtres
qui ne seraient pas catholiques ?
D. A. : Disons qu’ils ne croient pas à une vérité évangélique. Je
les accuserais donc éventuellement de propager une hérésie. Mais
entendons-nous : quelqu’un est formellement hérétique s’il est accusé
de commettre une erreur et s’il persiste dans celle-ci. Mais personne
aujourd’hui, en raison de la situation de l’Église, n’accusera jamais un
évêque de ne pas croire au diable, aux possessions démoniaques et de ne pas
nommer d’exorcistes parce qu’il n’y croit pas. Je pourrais citer une
quantité d’évêques et de cardinaux qui, à peine nommés dans un diocèse,
ont retiré à tous les exorcistes la faculté d’exercer. Ou des évêques qui
soutiennent ouvertement : « Moi, je n’y crois pas ; ce sont
des croyances du passé. » Pourquoi cela ? Parce que,
malheureusement, il y a l'influence extrêmement pernicieuse de certains
biblistes, et je pourrais citer des noms de personnes très célèbres. Nous qui
touchons tous les jours du doigt le monde de l’au-delà, nous savons qu’il a
mis la main à beaucoup de réformes liturgiques.
Par
exemple :
D.A. : Le concile Vatican II avait demandé de revoir certains textes. On a
désobéi à cet ordre et on a voulu les refaire totalement. Sans penser que
l’on pouvait détériorer les choses au lieu de les améliorer. Et beaucoup de
rites ont été détériorés par cette manie de jeter tout ce qui existait dans
le passé et de tout refaire de fond en comble, comme si l’Eglise nous avait
jusqu’à aujourd’hui bernés et trompés, et comme si finalement était désormais
arrivé le temps des grands génies, des super-théologiens, des super-biblistes,
des super-liturgistes, qui savent donner ce qui est juste à l’Eglise. Un
mensonge : le dernier Concile avait simplement demandé de revoir ces
textes, non de les détruire.
Le Rituel de l’exorcisme, par exemple, devait être revu, non refait. Il y
avait des prières qui étaient en usage depuis douze siècles. Avant de
supprimer des prières aussi anciennes qui se sont montrées efficaces, il
faudrait y penser longuement. Eh bien ! Non. Nous tous, exorcistes, nous
avons essayé les nouvelles prières du nouveau Rituel ad interim et nous nous sommes rendu compte qu’elles sont
absolument inefficaces.
Mais le rite du baptême des enfants a lui aussi été abîmé. Il a été
bouleversé au point qu’en a presque été éliminé l’exorcisme contre
Satan, qui a toujours eu une très grande importance pour l’Eglise, une
importance telle qu’on l’appelle l’exorcisme mineur. Paul VI lui-même a
publiquement protesté contre ce nouveau rite.
Même détérioration du rite dans le nouveau bénédictionnaire. J’ai lu minutieusement ses 1200 pages. Eh bien !
toute référence au fait que le Seigneur doit nous protéger contre Satan, que
les anges nous protègent des attaques du démon, a été systématiquement
supprimée. Toutes les prières pour la bénédiction des maisons et des écoles
ont été supprimées. Tout devait être béni et protégé, mais aujourd’hui,
il n’y a plus de protection contre le démon. Il n’existe plus de défenses ni
de prières contre lui. Le même Jésus nous avait enseigné une prière de libération,
dans le Notre Père : « Délivre-nous du Malin. Délivre-nous de la
Personne de Satan. » La prière a été mal traduite et l’on prie
aujourd’hui en disant : « Délivre nous du mal. » On parle
d’un mal général dont, dans le fond, on ne connaît pas l’origine :
au contraire, le mal contre lequel Notre-Seigneur Jésus nous avait appris à
combattre est une personne concrète : c’est Satan.
Vous
êtes dans un lieu d’observation privilégié : avez-vous l’impression
que le satanisme se répand ?
D.A. : Oui. Enormément. Quand la foi recule, la superstition fait des
progrès. En termes bibliques, je peux dire que l’on abandonne Dieu pour se
livrer à l’occultisme. Le terrible recul de la foi dans toute l’Europe
catholique fait que les gens se jettent dans les bras des magiciens et des
cartomanciens, et que les sectes sataniques prospèrent. Le culte du démon fait
l’objet d’une grande publicité auprès des masses entières, à travers le
rock satanique de personnages comme Marilyn Manson. On s’attaque aussi aux
enfants : il y a des journaux et des bandes dessinées qui enseignent la
magie et le satanisme.
Les séances de spiritisme dans lesquelles on évoque les morts pour qu’ils répondent à certaines questions sont très répandues. On enseigne maintenant à
faire des séances de spiritisme à travers l’ordinateur, le téléphone, la télévision,
le magnétoscope, mais surtout à travers l’écriture automatique. Il n’y a
même plus besoin du médium : c’est un spiritisme que chacun peut
exercer par soi-même. Selon les sondages, 37% des étudiants ont fait au moins
une fois le jeu des lettres ou du verre qui est une véritable séance de
spiritisme. Dans une école où j’avais été invité à parler, les élèves
m’ont dit qu’ils faisaient ce jeu durant l’heure de religion, sous les
yeux complaisants du professeur.
Et
cela fonctionne ?
D.A. : Il n’y a pas de différence entre magie blanche et magie noire. Quand la magie fonctionne, c’est toujours l’œuvre du démon.
Toutes les
formes d’occultisme, comme ce grand recours aux religions d’Orient, avec
leurs suggestions ésotériques, sont des portes ouvertes au démon. Et le
diable entre tout de suite.
Je n’ai pas hésité à dire immédiatement, dans le cas de la sœur qui a été
tuée à Chiavenna et dans celui d’Erika et d’Omar, les deux adolescents de
Novi Liguri qui ont tué la mère et le petit frère d’Erika, qu’il y avait
eu une intervention du démon, parce que ces enfants se livraient au satanisme.
L’enquête de la police a ensuite montré qu’ils suivaient Satan, qu’ils
avaient des livres sataniques.
Comment
s’y prend le démon pour séduire l’homme ?
D.A. : Il a une stratégie monotone. Je le lui ai dit et il le reconnaît…
Il fait croire que l’enfer n’existe pas, que le péché n’existe pas et
qu’il n’est qu’une expérience de plus à faire. Concupiscence, succès et
pouvoir sont les trois grandes passions sur lesquelles s’appuie Satan.
Combien
de cas de possessions démoniaques avez-vous rencontrés ?
D. A. : Au bout de cent, j’ai arrêté de compter ;
Cent ?
Mais c’est énorme. Dans votre livre, vous dites que les cas de possession
sont rares.
D.A. : Et ils le sont vraiment. De nombreux exorcistes n’ont rencontré
que des cas de maux diaboliques. Mais moi, j’ai hérité de la « clientèle »
d’un exorciste célèbre, le Père Candido, et donc des cas qu’il n’avait
pas encore résolus. De plus les exorcistes m’envoient les cas les plus résistants.
Quel
est le cas le plus difficile que vous avez rencontré ?
D.A. : Je l’ai en « traitement » en ce moment, et cela depuis
deux ans. C’est la jeune fille qui a été bénie – il ne s’agit pas
d’un véritable exorcisme – par le Pape en octobre, au Vatican, et dont le
cas a fait grand bruit dans la presse. Elle est frappée vingt-quatre heures sur
vingt-quatre et en proie à des tortures indicibles. Les médecins et les
psychiatres n’y comprennent rien. Elle est tout à fait lucide et très
intelligente. Un cas vraiment douloureux.
Comment
devient-on victime du démon ?
D.A. : On peut être soumis aux attaques du démon dans quatre cas. Ou
parce que cela constitue un bien pour la personne et c’est le cas de beaucoup
de saints, ou en raison de la persistance irréversible dans le péché, ou
parce que l’on est victime d’un maléfice lancé à travers le démon, ou
lorsqu’on se livre à des pratiques d’occultisme.
Durant
l’exorcisme de personnes possédées, quel type de phénomènes se produit-il ?
D.A. : Je me rappelle un paysan analphabète, qui, pendant l’exorcisme,
me parlait seulement en anglais et j’avais besoin d’un interprète. Il y a
des gens qui manifestent une force surhumaine, d’autres qui se soulèvent
complètement de terre et que l’on n’arrive pas, même à plusieurs, à
maintenir assis sur leur fauteuil. Mais c’est seulement le contexte dans
lequel ces phénomènes se produisent qui nous fait parler de présence démoniaque.
Le
diable ne nous a-t-il jamais fait du mal à vous personnellement ?
D.A. : Lorsque le cardinal Poletti m’a demandé d’assumer la fonction
d’exorciste, je me suis recommandé
à la Vierge : « Enveloppe-moi dans ton manteau et je serai en totale
sécurité. » Des menaces, le démon m’en a souvent faites, mais du mal,
jamais.
Il
ne vous arrive jamais d’avoir peur
du démon ?
D.A. : Moi peur de cette bête ? C’est lui qui doit avoir peur de
moi ; moi, j’agis au nom du Seigneur du monde. Et lui, il n’est que le
singe de Dieu.
Père
Amorth, le satanisme se répand de plus en plus. Le nouveau Rituel empêche, en
pratique, de faire des exorcismes. On empêche les exorcistes de participer à
une audience du Pape place Saint-Pierre. Dites-moi franchement : que se
passe-t-il ?
D.A. : La fumée de Satan entre partout. Partout ! On nous a peut-être
exclus de l’audience du Pape parce qu’on avait peur que tant d’exorcistes
réussissent à chasser les légions de démons qui se sont installées au
Vatican.
Vous
plaisantez, n’est-ce pas ?
D.A. : Cela peut sembler une plaisanterie, mais je ne crois pas que cela en
soit une. Je n’ai aucun doute sur le fait que le démon tente surtout les
autorités de l’Église, comme il tente toutes les autorités, celle de la
politique et de l’industrie.
Vous
dites donc qu’ici aussi, comme dans toutes les guerres, Satan veut conquérir
la place forte de l’ennemi, pour faire prisonniers les généraux ennemis ?
D.A. : C’est une stratégie gagnante. On essaie toujours de s’en
servir. Surtout quand les défenses de l’adversaire sont faibles. Satan lui
aussi essaie. Mais, grâce au Ciel, il y a l’Esprit-Saint qui dirige
l’Eglise : «Les portes de l’enfer ne prévaudront pas.» Malgré les défections.
Et malgré les trahisons, dont il ne faut d’ailleurs pas s’étonner. La
première trahison fut l’œuvre de l’un des Apôtres les plus proches de Jésus :
Judas Iscariote.
Pourtant, malgré cela, l’Eglise poursuit son chemin. L’Esprit-Saint la
maintient debout et les attaques de Satan ne peuvent donc connaître que des réussites
partielles. Certes, le démon peut gagner des batailles, et même des batailles
importantes. Mais jamais la guerre.
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